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27/10/2011

Peuchère !

mendiant.JPGNon, je sais, c’est une question complexe, mais tout de même, cet arrêté municipal interdisant la mendicité à Marseille – qui a généré une immense polémique – pose aussi des questions culturelles et linguistiques… Autour du mot peuchère, par exemple. 

Dorénavant, de la gare Saint-Charles au Vélodrome en passant par le Vieux Port, il est interdit, entre autres choses, je cite, de « de se livrer à toute forme de sollicitation ou appel à la quête de nature à entraver la libre circulation des personnes, la commodité du passage dans les voies et espaces publics, l'accès aux immeubles ou, de manière générale, à porter atteinte par ces comportements au bon ordre, à la tranquillité et à la sécurité publique ».

Peuchère… Peuchère pour les pauvres, peuchère pour ceux qui n’ont plus que ça : tendre la main en espérant un peu de charité, pour manger, pour survivre. Peuchère aussi pour tous ceux qui essaient de nous interpeler avec un petit quelque chose : une chanson grinçante avec un accordéon, un baratin de bateleur, un mauvais costume de clown, ou simplement… un sourire.

Peuchère… Ce n’est pas rien, ce mot. Il est emblématique de Marseille, et il exprime de beaux sentiments : la pitié, la compassion, l’attendrissement mais aussi la commisération… La co-mmi-sé-ra-tion, c’est le fait de partager la misère de l’autre, et de ne pas lui tourner le dos, de ne pas faire comme si elle n’existait pas...

Peuchère… Un mot que l’on entend résonner aujourd’hui dans toute la ville, chez les vieux comme chez les minots, et sous diverses formes : pécaïre, peuchère, peucheure ou peucheurette… Une notion que l’on entend aussi en arabe, même chez ceux qui ne parlent pas arabe : miskin ou miskina – ma grand-mère disait miskinet… Et quand on sait qu’en provençal, le mot mesquin ou mesquino désignait non pas une personne « mesquine » comme en français, mais (avec de la pitié), une personne pauvre et misérable, on comprend que ce mot fait vraiment partie de notre culture.

Malgré l’étymologie, les mendiants ne sont pas forcément des « pécheurs », et il est quelque peu cruel de s’en prendre aux plus faibles. Je sais, je sais, il y a des formes de mendicité agressives, et ce n’est pas parce qu’une personne est dans la misère qu’elle a le droit d’importuner les autres. Mais dans une cité qui se dit et qui a toujours été « terre d’accueil », tourner le dos à sa misère, c’est tourner le dos à son histoire et à son avenir.

Il y a quelques mois, dans une autre chronique, je disais que tant qu’il y aurait des gens pour dire « peuchère », il nous resterait suffisamment d’humanité pour regarder l’autre, notre prochain qui souffre autant sinon plus que nous. Apparemment, à Marseille, le mot peuchère est désormais hors la loi, en tout cas banni du centre ville. Peuchère de nous…

QUESTION : Mendiants à Marseille, à Noël ?

REPONSE : Fruits secs : incontournables dans les « treize desserts » consommés à la fin du gros souper de Noël : amandes, raisins secs, noix et figues sèches ; inspirés par les couleurs des quatre ordres mendiants : Dominicains, Franciscains, Augustins, Carmélites.

Médéric Gasquet-Cyrus, « Dites-le en marseillais » 2011-2011, Chronique 43 : Peuchère pour les mendiants… Mercredi 26/10/11

 

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